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 Aux sources des Eldrigans.

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MessageSujet: Aux sources des Eldrigans.   Aux sources des Eldrigans. Icon_minitimeLun 16 Mai - 22:02

Parchemin anonyme, texte originel rédigé dans une langue inconnue. De la préface, il ne demeure que quelques lignes :


"L'efcrit qui fuit retrafe avec moult ornements et prefcifions les peripefies d'une vaillante efquipe de merfenaires, pourfendant pour quelque pitance. Ils eftoient vaillants, mais humbles en toutes circonftances. Ils fe gaussoient des efdits de ces nobles geôliers, ceux qui impofent leurs entraves et leur affervifement à ceux qui n'aspirent guère qu'à l'evafion. Ils eftoient libres avant tout, et ce eftoit affuresment ce qui les définiffoit. Ils fe difoient neutres face à toute chofe efgalement, et rien ne vint entascher leur immacule honneur. Ils avoient pour guides trois merfenaires ès mesrites. L'on nommât le premier Feldrivan, c'eftoit la rafine, la fereine jeunesse qui baftit et croit fans faillir ; affurefment il fut l'eftinfelle garante de la foi en leur entreprife. Le second, aïeul des aïeux, eftoit Elembhor, le vieux merfenaire gesnesreux par fes fages mots et fon expefrienfe de l'ouvrage. Fes confeils avifais donnoient efclat à l'eftinfelle.
Le dernier enfin, drape de muftere, que tous nommoient Eldrigan. Il offrit les Valeurs, et fit de l'eftincelle un brafier intenfe quilluminoit le chemin des merfenaires. Voifi l'hiftoire d'iceux, retrafée fideslement bien que lon pardonne les entrefaites et autres enjolivements fruits de l'expreffion de la plume de votre tres humble et tres oblige serviteur."





________________________________________________


[Fragment I]

Sufokia était un manteau de pluie. Partout où le regard pouvait se poser, elle s'abattait, brouillant la vue, plongeant la Cité maritime dans une brume occulte.
La nuit renvoyait l'écho des gouttes s'écrasant sur les pavés. Le vent soufflait, avec une telle force qu'on eût put croire qu'il voulait rivaliser avec les flots passionnés battant les quais. La mer s'agitait tandis que les nuages semblaient étouffer la lune. Un vacarme sans nom déferlait sur la Cité, qui paraissait pourtant endormie. Quelques lueurs, au travers des fenêtres, résistaient au voile obscur qui tentait d'engloutir Sufokia.
Dans les rues, il n'y avait personne.
Presque personne.
Pareille à un rêve, une silhouette encapuchonnée avançait, portée par le fracas de l'eau sur le sol. Elle cheminait dans les flaques d'ombre de la Cité, et semblait connaître son chemin. Fugace, elle parvint devant la taverne de la Cité, l'un des rares bâtiments encore illuminés à cette heure tardive. Elle gravit les marches, qui malgré leur fragilité ne gémirent pas sous son poids. Parvenu en haut, à la lueur des torches, l'homme retira son capuchon.
C'était un disciple de Iop, assez jeune, à la face burinée par les embruns. Une barbe vieille de deux jours hérissait son menton. Ses cheveux légèrement ébouriffés encadraient un visage anguleux, où semblaient luir deux perles d'onyx. Son regard de nuit affichait un calme résolu, qui contrastait avec son front plissé et où s'imprimaient déjà quelques rides précoces. Le Iop retira sa cape et la posa sur un tonneau. Avec discrétion, il s'avança dans la pièce et prit place à une table proche du comptoir. Personne ne semblait l'avoir remarqué. Une fois installé, il jeta un œil sur l'assemblée.
Des voyageurs, qui pour la plupart s'étaient réfugiés pour échapper au mauvais temps. Ses yeux filèrent rapidement sur quelques Pandawas qui riaient fort et clamaient des phrases inintelligibles. Des habitués sûrement.
C'est alors qu'une personne attira son attention. Une disciple d'Ecaflip, trempée jusqu'aux os et visiblement contrariée haranguait la foule avec vigueur :

- Alors ? N'y a-t-il donc personne pour m'aider à quitter ce trou ? Il tombe trois gouttes et vous vous terrez derrière une chope, tss... Et ça se dit aventurier !

Certains firent mine de ne pas entendre. D'autres trouvèrent subitement leur bière très intéressante. Les gens ne semblaient vraisemblablement pas disposés à aider la jeune femme par ce temps. Celle-ci poussa finalement une exclamation de rage et se dirigea avec vigueur vers la sortie. Elle s'apprêtait à dévaler les marches lorsqu'elle fût arrêtée net par un Iop qui lui avait saisi le poignet. Grand, imposant, il dégageait une étrange finesse cependant. Il la fixa un instant avant de prendre la parole.

- Vous quittez la Cité ?

- Oui.

- Seule ? Par ce temps ?

- Je n'ai guère le choix, puisque ces larves puantes préfèrent la compagnie du houblon à la mienne.

Un rictus moqueur apparut sur le visage de la disciple d'Ecaflip. Le Iop ne s'en formalisa pas. Il ne l'avait toujours pas lâchée.

- Où Allez-vous ?

- Astrub.

- C'est très loin. Et difficile d'accès.

- Je me réjouis de savoir que les Iops possèdent d'aussi plaisantes connaissances en géographie de nos jours.

- Je vous accompagne.

La disciple d'Ecaflip troqua son sourire pour un haussement de sourcils et un air visiblement étonné. Elle regarda plus en détail le Iop. Elle crut apercevoir dans ses yeux un éclat sombre, des pupilles de nuit. L'impression fugace se dissipa lorsqu'elle cligna des yeux. Elle jaugea un instant son interlocuteur, dégagea son poignet et reprit avec un sourire.

- Tu as un nom ?

- Feldrivan.

Une lueur pétilla dans le regard de l'Ecaflip.

- Quant à moi, je m'appelle Elidraé ! Tu me plais bien Feldrivan, et si tu désires m'escorter, j'en serais ravie !

Le Iop sembla se dérider et afficha un discret sourire.

- En ce cas, mettons-nous en route.

Ils sortirent tous deux de la taverne et la nuit les engloutit rapidement.

Le voyage fut long, et difficile, le temps n'étant pas décidé à leur offrir sa clémence. Le vent balayait la province d'Amakna et la pluie s'y abattait sans relâche, jour et nuit.... Malgré ces conditions difficiles, Elidraé et Feldrivan profitèrent pleinement de leur cheminement pour faire connaissance. La première expliqua au second qu'elle était fille d'artisan et devait rallier la Cité cachée des Mercenaires pour affaire ; tandis que l'autre lui avoua être de naissance modeste et ne détenir d'autre but dans la vie que celui de découvrir le Monde, errant de région en région sans intentions précises.
Il confia cependant à la disciple d'Ecaflip qu'il avait toujours voulu voir la bourgade des Mercenaires, car il en avait beaucoup entendu parler.

« Astrub, bien que petite, est une Cité qui recèle nombre de merveilles pour qui sait les chercher. Elle peut également être un fabuleux coupe-gorge pour les voyageurs trop naïfs. »

Elidraé avait prononcé cette phrase avec une ironie perçante dans la voix, mais Feldrivan ne s'en formalisa pas. Il était subjugué par cette disciple d'Ecaflip, qui était bien moins froide et distante qu'elle ne paraissait l'être au premier abord. Il ne se rappela jamais combien de jours il leur fallut pour atteindre Astrub, mais avait l'impression de connaître parfaitement Elidraé en apercevant les premières bâtisses de la Cité.

Il se quittèrent au centre de celle-ci, et n'échangèrent que quelques mots. Elidraé s'adressa à Feldrivan avec un sourire malicieux et lui glissa quelques Kamas dans la main

- Pour le service rendu, murmura-t-elle.

- Mais je...

- Tout travail mérite salaire, tu es dans la Cité des Mercenaires, mon ami. Prends soin de toi. A très bientôt.

Elle lui adressa un clin d'oeil et disparut dans la foule grouillante d'Astrub. Feldrivan contempla avec un air légèrement hébété les Kamas qui luisaient dans sa paume. L'image d'Elidraé flotta un instant dans son esprit avant de laisser place à une toute autre idée. Une idée qui lui parut emplie d'aventure et de découvertes. Une idée qui faisait écho aux paroles de la belle Ecaflip.

« Tu es dans la Cité des Mercenaires, mon ami. »


Feldrivan l'ignorait, mais il venait de réaliser son premier contrat.


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MessageSujet: Re: Aux sources des Eldrigans.   Aux sources des Eldrigans. Icon_minitimeMer 18 Mai - 18:28

[Fragment II]


Une masse bouillonnante, informe et tumultueuse. Voilà ce qu'était Astrub. Malgré sa petite taille, la bourgade grouillait d'activité. Des centaines de bottes martelaient les rues mal pavées, les gens se cognaient, se bousculaient. On commerçait à proximité d'ateliers sommaires où s'étaient retranchés des mercenaires usés par les batailles. Les bourses passaient de main en main, par des moyens plus ou moins légaux. Cà et là poussaient des habitations, pareilles à des champignons sortis de terre dans un élan anarchique. Une fumée âcre en provenance des forges s'étendait au-dessus de la tête des voyageurs, reflet de l'activité intense d'Astrub.
Ce qui n'avait guère été qu'un petit camp de guerriers était en passe de devenir une Cité prestigieuse.
Feldrivan observait l'ascension des tuiles bleues destinées à parer les toits de la bourgade quand il fut brusquement tiré de sa rêverie par une altercation entre deux aventuriers. Un disciple d'Ecaflip et un Xélor se disputaient non loin de lui avec une telle pugnacité qu'un cercle s'était formé autour d'eux. Feldrivan se glissa au travers de l'attroupement avec discrétion afin de voir de quoi il retournait.

- Fils de Bwork, immonde Chacha puant, ce contrat est à moi tu entends ! Je ne tolèrerai pas qu'un vulgaire joueur de cartes se l'approprie. Va-t-en !

Malgré sa petite taille, le disciple du Dieu Horloger hurlait avec une telle force que son interlocuteur s'agaça rapidement. La queue fouettant l'air, il lui répondit sur un ton plein de verve :

- Je me suis présenté à ce sieur avant toi, le nain ! Les services que je lui propose sont moins chers que les tiens et mes lames aptes à dépecer bien pire énergumène que toi !

L'échange se poursuivit quelques instants sous le regard exaspéré du client, un disciple de Féca visiblement accablé par le conflit opposant ceux dont il attendait un service. Personne ne tentait quoi que ce soit pour apaiser la tension régnant entre les deux mercenaires et le ton monta encore d'un cran. L'air semblait crépiter, ployer sous les paroles assassines.
Il était évident que la joute ne resterait pas uniquement verbale.
Le pressentiment de Feldrivan se confirma rapidement et il jugea plus prudent de s'éclipser lorsqu'un énorme marteau brassa l'air à proximité de son visage. Le disciple de Xélor fit tournoyer plusieurs fois son arme au-dessus de sa tête comme si elle n'avait rien pesé puis se jeta avec vigueur sur le second mercenaire. L'Ecaflip réagit en sortant une lame effilée de son fourreau et bientôt toute la foule fut prise dans l'affrontement.
Quand chacun se retira, trop amoché pour continuer à se battre, Feldrivan était déjà loin.


Ses pensées errèrent au gré de ses déambulations nonchalantes dans la bourgade. Par trois fois, sa distraction, fruit de l'émerveillement qu'il manifestait, faillit d'ailleurs lui coûter la vie. Il ne dut qu'à des réflexes qu'il ignorait posséder de ne pas se faire écraser par quelque charpente instable ou pis, un aventurier imposant et éméché.
Feldrivan chemina jusqu'à un banc sommaire, situé près des forges et s'y assit. Ses réflexions se perdirent un peu plus, avant de revenir sur l'affrontement auquel il avait assisté. Pourquoi donc ces mercenaires, qui avaient le même métier, perdaient-ils leur temps en de telles querelles ? Qu'avaient-ils à y gagner, sinon l'exaspération du client ?
L'idée soufflée par les paroles d'Elidraé revint alors à la mémoire de Feldrivan, intense. Elle apparut soudain d'une étonnante clarté au disciple de Iop, qui sortit de sa besace les Kamas offerts par l'envoûtante Ecaflip. A la lueur du soleil, le métal frappé par les rayons semblait désireux de conforter Feldrivan dans son sentiment. C'était comme si.... les pièces lui souriaient, lui murmuraient des paroles d'or.
Une idée folle soufflée par une femme drapée de mystère. Une Cité où le tintement de l'acier n'était égalé que par celui des kamas. Une voie nouvelle qui ouvrait une multitude de possibles. Un vent d'aventure qui, impétueux, fouettait son visage. Une idée folle, vraiment ?
Tout devint limpide. Feldrivan releva subitement la tête, fourra les Kamas dans sa besace, et d'un geste rapide se redressa. C'était comme si personne ne s'était jamais assis sur le petit banc.

Le Iop reprit son cheminement dans la Cité, mais il observait cette fois le décor avec attention. Il se coula au travers de la foule compacte, observant chaque visage, chaque silhouette qui défilait devant lui avant de s'évader, fugace. Il dut jouer des coudes pour s'extirper de cette marée de voyageurs, effroyable courant voulant le refouler sur les côtes de la bourgade, et trouva finalement ce qu'il cherchait.
Ou plutôt ceux qu'il cherchait.
Ils étaient là, adossés à une statue en construction -elle représentait visiblement Ecaflip bien que l'on ne pût l'affirmer- , discutant avec animation. A leur ceinture pendaient toutes sortes d'outils ainsi qu'une épée, large et plate pour certains, longue et effilée pour d'autres. Vigoureux, leurs propos semblaient animés de la même fougue que ceux des mercenaires croisés plus tôt par Feldrivan. L'agressivité en moins.
Sans une once d'appréhension, le disciple de Iop s'approcha.

- Messieurs ? Pardonnez-moi, ne seriez-vous pas mercenaires ?


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MessageSujet: Re: Aux sources des Eldrigans.   Aux sources des Eldrigans. Icon_minitimeSam 21 Mai - 0:32

[Fragment III]


Ellia Tab, mercenaire Sadida de son état, toisait son confrère Sacrieur en tentant de manifester le plus d'intérêt possible. Non pas qu'elle fut insensible au torse bombé de ce rude combattant ! Mais si seulement ses propos pouvaient être aussi aguicheurs que ses muscles... Ellia réprima un soupir et dégagea une mèche qui lui barrait le visage. Elle sourit lorsque le Sacrieur éclata d'un rire sonore, bien qu'elle n'eut pas prêté la moindre attention à la boutade. Ses comparses mercenaires lui répondirent avec de grandes claques dans le dos, hilares. Ellia s'adossa nonchalamment à la statue d'Ecaflip en cours de construction et scruta avec attention la foule de voyageurs circulant dans Astrub. Elle ne participa pas au débat qui s'engagea entre les mercenaires sur la sécurité de la Cité mais ne put retenir un tressaillement lorsqu'un inconnu interrompit la discussion.

- Messieurs ? Pardonnez-moi, ne seriez-vous pas mercenaires ?

Le silence qui s'ensuivit ne dura qu'un instant. N'avait peut-être jamais existé. Il laissa place à vingt regards alertes et autant de bouches qui déversèrent un flot de confirmations. Guerriers mais avant tout habiles professionnels, les mercenaires étaient sortis de leur sérieuse discussion pour asséner leurs offres à Feldrivan, vantant dans une masse de paroles inintelligibles les mérites de leur lame ou de leurs puissants sortilèges.
Le disciple de Iop écouta les mercenaires se démener pour l'obtention de son contrat avec un sourire légèrement amusé... Une moue songeuse lui succéda. Ces mercenaires seraient certainement bien difficiles à convaincre...
Une voix haute, claire et railleuse s'éleva soudain derrière l'attroupement formé autour de lui et capta l'attention de Feldrivan.

- Hm, messieurs, peut-être auriez-vous plus de chance de décrocher ce contrat si vous écoutiez la demande de ce brave voyageur ?

Le silence se fit à nouveau suite à la réplique qui tira un bref éclat de rire à Feldrivan. Une disciple de Sadida fendit le groupe de guerriers et se campa devant le Iop. Elle repoussa machinalement une mèche qui lui barrait le front et s'adressa à Feldrivan, tout sourire :

- Alors messire, qu'est-ce que les humbles mercenaires que nous sommes peuvent faire pour vous ?

Le sourire de Feldrivan s'intensifia. Il prit une brève inspiration.

- Eh bien j'en suis navré, mais je n'ai guère de contrats à engager avec l'un d'entre vous...

L'intérêt dont il avait été le bénéficiaire pendant quelques secondes retomba subitement. Quelques soupirs furent poussés. Certains mercenaires commencèrent même à s'éloigner. La disciple de Sadida restait pourtant face à Feldrivan, une moue dubitative sur le visage.

- ... En revanche, j'ai une proposition à vous faire. Que dites-vous d'une bière à la taverne ?


C'est au milieu du tumulte créé par l'entrelacs des chopes que la petit troupe s'installa. La taverne d'Astrub atteignait une taille plus que raisonnable pour une si petite Cité, aussi purent-ils s'attabler confortablement. Feldrivan semblait perdu dans la contemplation du houblon qui prenait une teinte légèrement orangée à la lueur des torches.
Seize mercenaires étaient assis de part et d'autre de la table. Seize guerriers, baroudeurs, aventuriers expérimentés à convaincre. Le nombre semblait s'être imprimé dans son esprit. Il tentait de choisir ses mots avec précaution, mais malgré tous ses efforts, aucun ne franchissait le seuil de sa bouche. Cela avait pourtant été si facile de les amener jusqu'ici... Pour la première fois, il douta de son idée. Et si...

- Alors, qu'y a-t-il ? J'espère ne pas être venu pour rien !

Feldrivan leva un regard presque étonné sur le disciple de Sacrieur qui venait de marteler la table avec son poing. Ses compères semblaient également s'impatienter. Il devait leur parler, et vite. Le discret coup d'oeil que lui envoya la jeune Sadida confirma cette impression.
Il poussa légèrement sa chope et prit la parole.

- J'ai une proposition à vous faire. Vous m'apparaissez tous comme des mercenaires expérimentés, habiles dans votre métier et votre science des armes doit certainement vous assurer un pécule raisonnable...

Les mercenaires s'enorgueillirent des compliments et se suspendirent aux paroles du disciple de Iop, intrigués par ce discours mélioratif.

- … Toutefois, vous ne pouvez pas à l'heure actuelle être pleinement efficaces dans votre besogne.

Haussement de sourcils étonnés parmi l'assistance. Si les mercenaires n'appréciaient pas l'annonce, ils passèrent sous silence leur mécontentement, trop impatients d'entendre la suite du curieux discours...

- Il règne dans votre Cité une effervescence propre au commerce et au mercenariat. Mais ce que vous trouvez en clients potentiels, vous le perdez dans de vaines rivalités. Les mercenaires qui se battent entre eux comme je l'ai constaté ne gagnent guère que la fuite du client. De plus...

- C'est le métier qui veut ça, lâcha le Sacrieur sur un ton blasé.

Des hochements de tête de ses confrères vinrent l'appuyer. Feldrivan ignora la remarque et poursuivit :

- … De plus, votre notoriété en tant que mercenaire isolé est bien faible, mes amis. Un client peut s'adresser à n'importe quel guerrier, l'oublier sitôt le service rendu et ne plus jamais faire appel à celui-ci. Il choisira certainement un autre mercenaire à la place pour tout vous dire.

Le Sacrieur, qui semblait s'être fait porte-parole des mercenaires attablés dans la taverne, lui répondit d'un ton sec. Ses yeux se faisaient presque haineux, une flamme glacée y dansait. Qui était cet étranger pour venir ainsi critiquer leur métier et leur faire la morale ?

- C'est bien malheureux et nous te remercions de ta sollicitude, mais je ne vois vraiment pas ce que tu pourrais y f...

- Unissez-vous.

Un frisson de surprise parcourut les mercenaires. Même la disciple de Sadida, qui était jusqu'ici restée parfaitement calme et attentive, tressaillit. Feldrivan ne leur laissa pas le temps de la réflexion et poursuivit d'une traite :

- Oui, unissez-vous. Nous pouvons créer une institution mercenaire, une association reconnue du public, et ainsi proposer un service stable. Plus de querelles entre mercenaires, les clients seront satisfaits et...

Un éclat de rire monumental l'interrompit. Le mercenaire sacrieur riait à gorge déployée et lorsqu'il fût calmé, c'est d'une voix outrageusement railleuse qu'il vola la parole à Feldrivan.

- Elle est bonne l'ami, je ne suis pas venu pour rien, vraiment ! Unifier les mercenaires c'est ça ? Cela ne s'est pas vu depuis Brutas et sa bande, mon pauvre ! Tu prétends venir ici, nous offrir une brassée de houblon et nous regrouper en une entreprise commune ? Comme ça, pour tes beaux yeux ?

Comme pour appuyer sa dernière phrase, il se leva et planta son regard dans celui de Feldrivan, un sourire moqueur sur sa face hilare. Il ne put retenir un mouvement de recul. Le regard de ce Iop, justement...
Deux éclats noirs, pareils à l'onyx, semblaient y luire. Deux pierres de nuit qui loin de s'indigner de la raillerie, l'ignoraient avec un calme sidérant. Ses pupilles étaient un océan de nuit, où les vagues charriaient une volonté et une résolutions infinies.
Le Sacrieur s'y noya.
Il n'était qu'un débris brassé dans des flots déchaînés. Un déchaînement de sérénité.
Avant qu'il n'ait pu maîtriser l'incoercible tressaillement qui s'était emparé de lui, la sensation s'était dissipée. Le Iop ne l'avait pas quitté des yeux.

- Oui. C'est ainsi que je viens et que je vous propose cela.

Il ne prit pas conscience immédiatement qu'on lui avait répondu. Ses mains étaient moites. Sa bouche atrocement sèche malgré la fraîcheur de la bière qu'il avait avalée quelques minutes plus tôt. Il scrutait avec attention le disciple de Iop, sans soudain lui trouver quoi que ce soit d'anormal. Il ne pouvait pas avoir rêvé pourtant... Il prit conscience des regards qui convergeaient vers lui et, tandis qu'une goutte froide lui coulait le long de la joue, il répondit par une pique qu'il voulut convaincante :

- Tu es fou, mon pauvre. Qui te suivrait dans pareil projet ?

Personne ne s'y trompa. La voix n'était aucunement cinglante, elle se faisait hasardeuse et bafouillante. Il se rassit sans que personne ne lui fasse remarquer la médiocrité de sa remarque et crut ses tourments terminés lorsqu'il constata que Feldrivan ne se décidait pas à lui répondre.
Il avait tort.
Une voix fusa de nulle part.

- Qui le suivrait, dis-tu ? Eh bien moi pour sûr !

Un disciple d'Enutrof, tapi dans l'ombre jusqu'alors se fraya un chemin jusqu'aux mercenaires, se campa devant le Sacrieur tout en désignant Feldrivan du doigt.

- Celui que tu prends pour un illuminé est en réalité une lumière, l'ami. Si tu es trop bête pour comprendre cela, pourquoi restes-tu ici à bavasser ?

L'apparition inopinée de l'Enutrof laissa tout aussi coi le mercenaire que sa remarque. Il n'eut pas le temps de réagir que déjà son interlocuteur s'était tourné vers Feldrivan. Il pointa un index décharné sur le torse du Iop et déversa un flot de paroles d'une voix vigoureuse qui tranchait avec son visage usé par le temps.

- Ton discours m'a convaincu. Tu m'as l'air d'être un brave gars, un meneur d'hommes qui sera sans nul doute efficace, mais en ce qui concerne le mercenariat, tu ne me sembles pas détenir bien grande expérience. Mon nom est Elembhor, baroudeur de tous temps et accessoirement mercenaire à la retraite. Tu titilles mon intérêt et ma pelle frémit à l'idée de repartir sur les routes pour quelques Kamas sonnants et trébuchants. Quand part-on ?

Un long sourire étira le visage de Feldrivan.





A la tombée de la nuit, dix-sept silhouettes drapées dans de longues capes laissaient derrière elles les bâtisses d'Astrub. Se retournant une dernière fois pour contempler la Cité, Feldrivan crut voir danser l'ombre d'une Ecaflip dans les lueurs chatoyantes du crépuscule.
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MessageSujet: Re: Aux sources des Eldrigans.   Aux sources des Eldrigans. Icon_minitimeLun 23 Mai - 20:46

[Fragment IV ]


D'un commun accord, la troupe prit la route vers le Sud, en direction du Village d'Amakna. Elembhor avança l'argument qu'il fallait que leur équipée gagne en notoriété si elle souhaitait subsister, et quoi de mieux que la Province pour faire parler de soi ? En outre, le disciple d'Enutrof disait avoir certaines choses à régler.
« Des affaires en cours. De vieux amis doivent me rendre des comptes avant de casser leur pipe ! » avait-il soufflé à Feldrivan, une lueur amusée dans le regard. La remarque tira un léger sourire à Feldrivan tandis qu'il détaillait le vieux mercenaire. Assez petit, de maigre facture au premier abord, l'Enutrof bouillait pourtant de malice et d'exubérance. Feldrivan ne parvenait pas encore à savoir si l'âge lui donnait sagesse ou folie, mais il appréciait le caractère d'Elembhor. De sa bouche, presque invisible sous la broussaille inextricable que formait sa barbe, naissaient des récits fantastiques de contrées lointaines, de contrats périlleux et d'affaires rondement menées. Ils n'avaient pas pris la route depuis quatre heures que déjà Feldrivan avait entendu l'équivalent de deux vies entières. Et le pétillement dans le regard bleu pâle, presque délavé, de l'Enutrof laissait présager au disciple de Iop qu'il en écouterait bientôt une troisième, si ce n'est plus...

Le reste de l'équipée bavardait allègrement sous les rayons chatoyants de l'astre solaire. Il ne restait nulle trace du déluge qu'Elidraé et Feldrivan avaient essuyé pour se rendre à Astrub. Le retour vers la province leur prit ainsi très peu de temps. Ils ne s'arrêtèrent guère que deux fois pour bivouaquer. Ainsi, le soir, ils s'assirent tous autour d'un feu et Feldrivan promena son regard sur la troupe. Il y avait là seize mercenaires, le Sacrieur de la Taverne ne s'étant pas joint à eux. Quand ils avaient commencé à préparer leur paquetage, il était parti en maugréant sur la folie d'une telle entreprise.
Feldrivan sourit à ce souvenir.
Il était convaincu que son idée n'était pas insensée. Un nouveau coup d'oeil aux mercenaires confirma son sentiment. Plusieurs d'entre eux, une fois dépassée leur carapace de guerrier rompu aux combats, se révélaient être d'aimables compagnons, et de joyeux drilles pour certains. On les disait individualistes, et s'il était indéniable qu'ils avaient en commun cet élan solitaire, cela ne faisait guère que les rapprocher.
Il fixa un instant Ellia. La disciple de Sadida avait paru enthousiasmée dès que Feldrivan avait émis son projet, et n'avait eu cesse de le défendre par la suite. S'il régnait une aussi bonne ambiance au sein du groupe, si les langues se déliaient avec tant de facilité, c'était certainement grâce à la ferveur avec laquelle elle entretenait la discussion.
Rasséréné quant à son initiative, Feldrivan s'endormit le regard tourné vers la voûte céleste, avec pour compagnons les ronflements d'Elembhor.

Le groupe reprit la route aux aurores, si bien que le soleil n'était pas à son zénith lorsqu'apparurent les premières maisons du Village. L'animation régnait ici également. Cependant, à la différence d'Astrub, tout semblait y être organisé, mieux défini. Ainsi les mercenaires n'eurent-ils aucune difficulté à trouver un point propice pour clamer leur existence à la populace : la place marchande.
Marchands se confondaient avec charlatans en ce lieu, et la présence de Kamas échauffait bien des esprits. C'est au milieu d'un tumulte qui tranchait avec les abords tranquilles du Village qu'Elembhor se campa devant Feldrivan.

- Nous voici arrivés ! Amakna, le Village ! Voici ce que nous allons faire, Feldrivan. De votre côté, vous allez vous présenter à la foule et dénicher nos premiers contrats. Rien de tel pour se mettre en jambe. Quant à moi, j'ai des choses à faire et des amis à rencontrer, je t'en ai déjà touché deux mots. Retrouvons-nous ici à la tombée de la nuit, puisse la fortune te sourire, l'ami !

Le disciple de Iop hocha brièvement la tête et Elembhor tourna les talons. Il quitta la place marchande et bientôt Feldrivan le perdit de vue. Il reporta ensuite son attention sur les autres mercenaires et leur répéta les paroles de l'Enutrof. S'ils peinèrent à s'organiser les premières heures, ils finirent pas se répartir efficacement les tâches. La troupe ne se sépara pas et resta au centre de la place marchande. D'ici, les mercenaires hélaient les passants et tentaient de renseigner de leur mieux les voyageurs, rares, qui paraissaient intéressés par leur discours. Malheureusement, la plupart étaient plus habiles bretteurs qu'orateurs, et l'intérêt qu'ils suscitèrent resta bien mince. Ainsi, à la fin de la première journée, c'est vers un Feldrivan quelque peu découragé qu'Elembhor revint. Lorsqu'il nota la mine déconfite du disciple de Iop, le vieux mercenaire ne put retenir un éclat de rire :

- Allons, l'ami ! C'est sur la durée que l'on bâtit les plus grandes œuvres. Penses-tu donc : une troupe de mercenaires ! Le Sacrieur de la Taverne avait au moins raison sur un point : cela ne s'est pas vu depuis Brutas et sa bande ! Laisse donc le temps aux choses. Les mentalités ne changent pas comme cela, et beaucoup doivent considérer notre entreprise comme une hérésie. Sache également que j'ai repris certains contacts et que tu pourrais bien avoir une surprise d'ici peu. Aie confiance, demain sera un jour meilleur !

Feldrivan eut un sourire. Et comme pour donner raison à Elembhor, les jours qui suivirent se parèrent de couleurs bien plus chatoyantes que le premier. Plusieurs badauds s'arrêtèrent pour discuter avec eux un moment, prirent possession de certains renseignements, et s'en allèrent, la curiosité piquée au vif. Les mercenaires prenaient plus d'assurance au fil des heures et finissaient par trouver les mots justes face à leur auditoire. Les têtes se hochaient, de plus en plus nombreuses, face à leurs arguments et les bouches colportaient leurs paroles dans l'entrelacs des chopes, à la taverne du Village.
Au quatrième jour, quatre disciples d'Ecaflip se présentèrent à eux avec sur le dos un paquetage conséquent d'où sortaient un nombre effarants de lames, affutées à souhait. Après une légère courbette, l'un d'entre eux s'avança et tendit sa main à Feldrivan, qui la serra avec vigueur.

- Fülh O'Zass, enchanté. Mes compagnons et moi prenions une bonne brassée de houblon à la Taverne lorsque nous avons eu vent d'un étrange rassemblement en ces lieux. On nous a entre autres parlé d'une troupe de mercenaires, et dussions-nous l'avouer, cela a éveillé notre curiosité. C'est alors qu'Etink a pris les paris. Un contre six que ces rumeurs étaient véridiques. L'affaire était corsée mais je m'en suis tiré à bon compte. Et puis, forts de cette victoire sur le sort, nous avons entrepris de nous renseigner davantage...

Un second Ecaflip qui ne semblait pas prêter attention à la conversation jusqu'alors s'avança. Feldrivan l'identifia comme Etink.

- Ce que Fülh souhaite vous dire, c'est que le jeu semblait en valoir la chandelle. Nous nous sommes armés comme l'as de pique et avons résolu de nous joindre à vous ! Je vais jouer carte sur table : votre idée nous a séduits et nous souhaitons vivre avec vous cette entreprise. S'il reste de la place parmi vous, c'est avec joie que nous mettrons notre lame aux services des clients. Et quatre disciples d'Ecaflip pour égayer vos soirées au feu de camp, ce ne sera pas de trop !

Ellia, qui avait suivi l'échange, s'approcha et, après avoir échangé un discret coup d'oeil avec Feldrivan, prit la parole.

- De joyeux compères, et loquaces avec ça ! Je m'appelle Ellia Tab, et je vous souhaite la bienvenue parmi nous !

Feldrivan laissa à la Sadida le bon soin de guider les nouveaux arrivants, et s'éloigna avec un air de satisfaction peint sur les lèvres.

Le sixième jour au Village marqua l'arrivée du premier contrat.
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MessageSujet: Re: Aux sources des Eldrigans.   Aux sources des Eldrigans. Icon_minitimeDim 29 Mai - 0:08

[Fragment V]


A l'heure où le ciel se parait de chaudes couleurs, quand les larmes de la nuit couvraient encore herbe et buissons, ils se présentèrent. Vêtus de peaux usées, de fourrures épaisses, ils s'avançaient vers les mercenaires, d'une démarche assurée. Le vent faisait claquer leurs étoffes et le levant, dans leur dos, dardait ses lueurs orangées par les multiples interstices de leurs capes élimées.
Trois disciples d'Osamodas cheminaient promptement vers la place marchande.
A mesure qu'ils approchaient, la troupe de Feldrivan put distinguer plus précisément les traits des arrivants. Ils étaient de ceux qui errent de contrées en contrées, poussés par on ne sait quelle obscure raison. Leur visage marqué de mille épreuves en témoignait. Des rivières sinueuses et profondes jalonnaient le front de certains d'entre eux.
Les voyageurs se campèrent face aux mercenaires et personne ne pipa mot, comme si, d'un accord tacite, on avait voulu solenniser l'instant. C'est Feldrivan qui rompit le silence en s'avançant.

- Bonjour à vous. Pouvons-nous vous êtres utiles ?

Celui qui paraissait être le plus âgé des disciples d'Osamodas fit à son tour un pas en avant.

- Vous êtes bien mercenaires ?

- C'est exact.

- On nous a rapporté votre histoire, au port de Madrestam. Nous avons un contrat à vous confier.

Feldrivan eut mille peines à faire taire la marée de murmures qui s'était élevée derrière lui. Le premier contrat ! Le disciple de Iop regrettait qu'Elembhor ne soit pas là pour l'entendre. Lorsque le calme revint, il déclara d'une voix enjouée :

- Nous sommes à votre disposition, dites-moi tout !

L'affaire fut promptement menée. La troupe d'Osamodas souhaitait explorer une partie dangereuse de la Montagne des Craqueleurs et requérait l'aide des mercenaires. Après une brève négociation sur les tarifs, Feldrivan dépêcha une dizaine de ses hommes pour escorter les clients, à la tête desquels il plaça Ellia. Ils partirent dans l'instant et convinrent de rentrer le lendemain.
Tandis que leurs silhouettes s'évanouissaient dans les chaudes couleurs de l'aube, Feldrivan prit pleine mesure de l'une des paroles de l'Osamodas : on avait entendu parler de leur troupe jusqu'à Madrestam ! C'est avec une satisfaction non dissimulée qu'il fit part de cela aux mercenaires qui étaient restés avec lui sur la place marchande. L'un deux suggéra de payer sa tournée le soir-même à la taverne, ce que Feldrivan accepta avec un sourire enjoué.
Elembhor revint en début de soirée, avec l'air satisfait de celui qui a conclu une affaire avantageuse. La troupe s'empressa de lui annoncer la nouvelle, qui ravit l'Enutrof. Il ne put retenir une petite larme lorsque, le lendemain, les clients et le groupe d'Ellia revinrent, les premiers satisfaits de leur escorte, le second par les Kamas qui tintaient dans leurs bourses.
Le vieux mercenaire décréta que ce contrat ne pouvait être relaté décemment que devant une bonne chope et emmena tous les mercenaires à la Taverne du Village. La soirée fut remplie d'éclats de rire, de récits enjolivés, et de projets fantastiques. Les chopes se remplissaient sitôt qu'elles étaient vidées et Feldrivan ne put empêcher qu'on le resserve sans hausser le ton.

Personne ne sut si l'alcool en était la cause, mais c'est ce soir-là que vinrent les premières dissensions au sein de la troupe.

- Douze mille Kamas, huhu. C'est ma foi une somme honorable, bien que j'eus pu en quémander davantage à ces chers Osamodas.

Le Féca, un dénommé Reil Coub, avait adopté un ton résolument goguenard. Une lueur de défi dans le regard, un des Ecaflips qui avaient participé au contrat lui répondit.

- Quant à moi, j'en aurais bien tiré vingt mille Kamas, au bas mot ! C'est que ma lame a occis plus d'un Craqueleur !

- Toi, vingt mille ? Ha, si tu empoches autant, je vaux bien le triple, rétorqua le disciple de Féca. Ces Craqueleurs, l'ami, j'en ai fait de la caillasse, ni plus ni moins. Tu ne t'es guère contenté que de quelques pirouettes avec ta lame voilà tout. Assurément, j'aurais dû exiger bien plus que vous tous !

Le disciple d'Ecaflip, surpris par la remarque de son compère, s'apprêtait à répondre lorsqu'un autre membre de l'expédition dans les Montagnes s'immisça dans la conversation :

- Plaît-il ? Et en quel honneur ? Si tu exiges le triple de ce que chacun d'entre nous a reçu, alors nous devrions à nouveau fixer nos tarifs comme nous l'entendons, comme par le passé ! Mes services méritent un tant soi peu de considération !

Le disciple de Sram s'était exprimé d'une voix forte qui avait étouffé en un instant les discussions joyeuses des autres mercenaires. Un silence pesant semblait alourdir l'air et tous les regards, toutes les oreilles étaient désormais tournés vers la joute orale.
Reil, qui n'avait rien perdu de sa raillerie, s'apprêtait à lancer une pique qui n'aurait pas manqué de mettre le feu aux poudres lorsqu'une voix claire et usée lui ôta cette possibilité.

- Paix, mes amis ! S'était écrié Elembhor, tandis qu'il se levait. Il se fait tard, la journée a été rude et l'alcool ajoute certainement un poids supplémentaire à notre fardeau. Autant de raisons qui rendent une discussion de ce genre peu propice à cette heure. Je vous suggère d'aller prendre un peu de repos. Rappelez-vous ce que nous avons convenu tout à l'heure : nous partons demain pour Sufokia. Le voyage promet d'être long, il nous faut traverser la Province. Bonne nuit à tous !

Bien qu'elle eût été prononcée sur un ton résolument aimable, personne ne se leurra sur la véritable nature de la demande : il s'agissait d'un ordre et le regard pâle de l'Enutrof semblait dire qu'il était inutile de songer à la moindre protestation. Le silence, plus calme cette fois-ci, retomba et les mercenaires quittèrent la table un à un.
Lorsqu'il fut seul avec Feldrivan dans l'établissement, Elembhor poussa un long soupir. Si sa tirade avait eu l'utilité de désamorcer temporairement le conflit, il ne se faisait pas d'illusions quant à l'avenir de l'ambiance au sein de la troupe : avant tout mercenaires solitaires, les guerriers qui la composaient n'avaient pas mis longtemps avant de reprendre leurs habitudes. Les véritables ennuis commençaient.
Un regard jeté à Feldrivan confirma son sentiment. Les yeux du disciple de Iop étaient empreints d'une sombre inquiétude. Il semblait pour la première fois prendre conscience de l'ampleur de la tâche.
Les deux meneurs n'échangèrent aucune parole quant ils gagnèrent leur paillasse, mais une même boule d'angoisse nouait leurs entrailles.

L'humeur de Feldrivan était à l'image du ciel : une chape grisâtre pesait sur la Province et si elle ne s'était pas maintenue en l'air durant de longues heures, le disciple de Iop aurait juré qu'elle eût été faite de plomb et non de ce coton vaporeux.
Avec l'air maussade et le regard assassin de celui qui a peu et mal dormi, Feldrivan se dirigea vers la rivière Kawaii, dans l'intention de faire un brin de toilette. La majeure partie de la troupe dormait encore à cette heure, aussi fut-il étonné de trouver Ellia sur les rives de l'indolent cours d'eau. La disciple de Sadida était affairée à coiffer sa longue chevelure encore trempée. Ou plutôt tentait-elle de le faire. Feldrivan ne put retenir un petit rire à la vue des efforts qu'Ellia déployait pour dégager son front. L'intéressée remarqua alors la présence du Iop et lui offrit un sourire gêné, tandis qu'une mèche sournoise lui retombait devant les yeux.
Feldrivan s'apprêtait à la tranquilliser lorsqu'il lut dans le regard de la jeune Sadida la même inquiétude qu'il avait éprouvée la veille. Ils se toisèrent l'un l'autre quelques secondes, et ce fut finalement Ellia qui brisa le silence.

- Feldrivan ? A propos d'hier...

- Je sais, Elembhor est aussi tourmenté que nous. Il semble que nous n'ayons pas pris en compte le passé solitaire et avide des mercenaires avec qui nous faisons route.

Il s'assit sur un rocher proche de l'eau, avec un léger soupir. Ellia repoussa une de ses mèches et redressa la tête. Une réelle détresse brûlait dans son regard. Elle reprit la parole d'une voix monotone.

- Ce n'est pas ce dont je voulais te parler. Elembhor et toi ne l'avez pas vu, mais un autre incident est survenu après que nous ayons quitté la Taverne.

Si l'annonce surprit Feldrivan, rien n'en parut et il se tut le temps qu'Ellia poursuive ses explications.

- Nous étions à peine sortis lorsqu'un disciple de Féca, certainement un artisan au vu de ses atours et des Kamas qui tintaient dans sa bourse est passé devant nous. Il ne nous a jeté qu'un bref regard et s'en est allé, pour s'arrêter quelques mètres plus loin, abordé par un groupe de Pandawas que tu devines éméchés. Il y a eu quelques bousculades mais les ivrognes sont finalement partis, en laissant toutefois à l'infortuné Féca des blessures qui m'ont apparues sérieuses malgré la pénombre. Il s'éloignait en claudiquant, quand un des nôtres s'est avancé et a clamé que c'était là une occasion idéale de se … procurer quelques Kamas supplémentaires.

Si Feldrivan, face à la mine soucieuse d'Ellia, s'attendait à entendre quelque chose de peu réjouissant, il n'avait pas songé un seul instant que les mercenaires qui s'étaient joints à lui puissent se comporter en voleurs d'aussi piètre acabit ! Il laissa échapper un grognement où se mêlaient surprise et mécontentement. Ellia, l'air toujours aussi grave, poursuivit :

- Certains d'entre nous ont condamné avec ardeur cette attitude, en avançant également le fait que détrousser un malheureux nuirait à la notoriété naissante de notre équipée. On nous a répondu qu'il n'était stipulé nulle part qu'un mercenaire ne pouvait pas gonfler sa bourse en-dehors d'un contrat, selon des artifices plus ou moins moraux... Nous n'avons réussi à apaiser ces idées stupides qu'à grand-peine, et c'est inquiète que je suis allée me coucher. Feldrivan, je...

- Je comprends Ellia, et c'est en partie ma faute. Si j'avais dans l'idée de réunir des mercenaires, je n'avais pas songé, naïf que je suis, qu'il nous fallait instaurer des règles pour que l'ensemble subsiste. Nous allons corriger rapidement cela, il ne faut pas que la troupe se délite avec de pareilles sottises. Retourne donc voir si nos compagnons sont réveillés tandis que j'en profite pour me laver un peu !

La disciple de Sadida repoussa une de ses mèches en arrière et, après avoir offert un pâle sourire à Feldrivan, retourna vers le Village. L'inquiétude hantait toujours son regard.
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MessageSujet: Re: Aux sources des Eldrigans.   Aux sources des Eldrigans. Icon_minitimeLun 6 Juin - 20:13

Vingt-et-un Martalo.

J'ai réussi à me procurer une plume. C'est étonnant, je n'avais jamais songé à écrire auparavant. Ce besoin ne s'était jamais imposé à moi, dussé-je l'admettre.
Les autres n'écrivent pas. Ils guerroient, boivent, parlent, mais je n'en ai pas vu un seul coucher des mots sur un parchemin. Même si je ne partage pas leur affection pour le houblon, j'ai jusqu'à présent agi pareillement.
Mais j'ai le sentiment que nous vivons quelque chose d'atypique, de nouveau. Je ne saurais l'expliquer, mais je souhaite aujourd'hui consigner nos péripéties ici. Je n'écris point en pensant que notre entreprise changera l'Histoire, la grande, non ; je le fais simplement pour narrer l'histoire de notre équipée, groupe hétéroclite composé d'aventuriers de tout acabit. Des compagnons n'ayant pour la plupart rien en commun. Rien ? Si, nous étions mercenaires.
C'était avant aujourd'hui...


Cela fait un mois et quatre jours que nous avons quitté le Village. Au retour de notre premier contrat -une réussite !- , nous avions convenu de partir vers le Sud, en direction de Sufokia.
La Cité maritime. Je n'y étais jamais allée, préférant l'orée des bois au sable fin qui plonge dans l'azur. Une erreur. Cette ville est d'une beauté mystérieuse, de celles qui vous affirment posséder mille atours invisibles à vos yeux. L'architecture, le calme indigo, la douce mélodie des vagues frappant des édifices empreints de secrets abyssaux... Tout n'y est que sérénité ; une invitation à l'indolence et au repos... Mais par Sadida, quelle odeur ! A-t-on jamais eu idée de pécher puis de laisser au soleil tant de Pichons ? Je n'ose imaginer les effluves qui doivent planer sur la Cité durant les beaux jours... Enfin, les habitants se sont faits sympathiques et nous avons eu l'occasion d'effectuer une foule de menus contrats qui ont apaisé -temporairement- les tensions pesant sur notre groupe.
Elles sont survenues la veille de notre départ, et n'ont pratiquement jamais cessé de croître depuis. Notre voyage avait pourtant bien commencé. Le jour du départ, je revenais de la rivière Kawaï où j'avais pu deviser avec Feldrivan de ces conflits sans intérêt. Quelle ne fut pas ma surprise, lorsqu'en arrivant sur notre campement, j'aperçus des mines enjouées, souriantes et visiblement apaisées.
La raison de ce regain de sérénité était un magnifique cadeau d'Elembhor. Il avait promis une surprise à Feldrivan, et quelle surprise ! Chacun d'entre nous reçut un couvre-chef, certes modeste, mais qui nous identifie comme membres d'une même entreprise. Un uniforme !
Elembhor, conscient que l'armement de notre groupe était aussi hétéroclite que le caractère de ses membres, avait également tenté de pallier à ce problème. Des épées pour chaque mercenaire ! Si j'ai pris la mienne plus par politesse que par réel besoin -je n'aime pas ces lames, elles sont lourdes, froides et austères : rien ne vaut un bon bâton !- , mes compagnons ont été comblés par ce présent. Nul n'a compris d'où Elembhor tirait cet attirail, mais la seule chose dont je suis certaine, c'est qu'il vaut mieux ne pas le savoir ! C'est du moins ce que j'ai perçu lorsque le regard délavé de l'Enutrof s'est posé sur moi et que sa bouche s'est fendue d'un sourire ambigu.
J'aime bien Elembhor.
Sa réputation de vieux croulant a beau le précéder, ses revers multiples et zones d'ombre s'accumuler, je devine derrière cela une personne franche au comportement paternel. En tant que doyen, il s'est naturellement placé en tête de notre groupe, aux côtés de Feldrivan.
Feldrivan... J'ai du mal à me faire un avis sur lui. Il dégage une sérénité presque déstabilisante, comme s'il ignorait l'existence même du mot « doute » . J'ai confiance en lui. S'il n'a ni l'âge ni l'expérience d'Elembhor il émane de ce disciple de Iop une certaine sagesse.
Malheureusement, les efforts conjugués de ces deux valeureux guides n'auront pas suffi à apaiser les dissensions naissantes dans notre équipée. Le voyage vers Sufokia a été ponctué d'éclats, d'opinions irréfléchies exprimées avec la force de la conviction, l'avidité des mercenaires solitaires que nous étions refaisant surface. Le retour, s'il fut moins bruyant, apporta quant à lui son lot de perfidie. De l'explosion ouverte aux rumeurs et … complots savamment fomentés, voilà par quoi nous passions.
Jusqu'à aujourd'hui.
Ce soir, tout cela a volé en éclats. A retrouvé sa place. Il est venu et l'on aurait presque senti vibrer avec la sienne les âmes d'Elembhor et Feldrivan. Ce soir, plus de conflits. Ce soir, nous sommes autre chose que ce groupe hétéroclite. Ce soir nous sommes un Clan.
Nous étions mercenaires.
Nous sommes Mercenaires.
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MessageSujet: Re: Aux sources des Eldrigans.   Aux sources des Eldrigans. Icon_minitimeSam 11 Juin - 14:12

Amakna était belle.
Passés les tourments glacés de l'hiver, cette Dame quittait son blanc manteau, troquait sa voûte morne et grise pour un océan d'azur où flottaient d'indolents lambeaux de coton. Les sols secs et froids se tapissaient d'une verdure sans pareille, et l'herbe grasse se voyait déjà arrachée à cette terre renaissante par les troupeaux de Bouftous, qu'on laissait paître aux abords du Village. Les flots bourbeux et gelés, les lacs figés, les mers grisâtres laissaient place à un festival de cyan et d'indigo. Leur surface, miroir parfait, scintillait de mille éclats, comme s'ils avaient voulu occulter le sombre souvenir d'un rude hiver.

Si Amakna était belle, sa forêt était resplendissante.
Hymne au Renouveau, les trilles enchanteresses des Pious et autres volatiles s'élevaient dans l'air depuis les branches d'arbres qui s'étaient parées d'un foisonnement de couleurs, d'émotions et de vie. La forêt, ternie par le froid au cours des mois précédent, clamait sa renaissance au travers d'une mosaïque de jade et d'or. Au pied de la sylve, des fleurs encore timides émergeaient du sol, libérant des parfums frais, purs, qui se mêlaient à la mélopée du vent.
C'est au milieu de ce kaléidoscope que les mercenaires cheminaient. Ils avaient quitté Sufokia depuis quelques jours et le paysage qui s'offrait à eux s'apparentait à une oasis sylvestre, emplie d'un calme et d'une joie qui manquaient à l'équipée. Si Feldrivan avait réussi à promouvoir leur forme de mercenariat dans l'extrême-Sud de la Province, il n'avait pu qu'assister, impuissant ou presque, à la dégradation des rapports entre les mercenaires de sa troupe.
Le disciple de Iop passa négligemment sa main dans une barbe vieille de plusieurs jours en songeant aux événements qui avaient animé -perturbé était plus juste- leur voyage. Son regard se perdit sur une unique feuille vermeille, écho d'un automne lointain, qui voletait paresseusement près de lui. Une brise chaude s'éleva et balaya ce vestige d'une saison oubliée. Si la bourrasque ébouriffa la chevelure de Feldrivan, elle ne parvint pas à faire s'envoler les soucis du disciple de Iop. Avec un léger soupir, il reporta son attention sur Elembhor, qui cheminait à côté de lui, entre les troncs et les racines revigorés. L'air morose, l'anxiété accentuant les rides profondes qui serpentaient déjà entre ses traits, le vieux mercenaire semblait perdu dans ses pensées. En proie aux mêmes tourments que Feldrivan, il ne comprenait pas comment la situation avait pu se dégrader ainsi. Ou plutôt le comprenait-il trop bien ! Mais admettre et se convaincre que l'intégrité de leur troupe était compromise, c'était d'un autre domaine !
Elembhor ne parvenait pas à se rappeler quand la situation avait dégénéré. Les premiers conflits, survenus la veille de leur départ, avaient rapidement été étouffés, mais ils avaient parsemé l'avenir de bien sombres couleurs... Le regard fatigué de l'Enutrof se promena sur la troupe, tendue, noire, silencieuse. Tous affichaient la mine morose de ceux qui sont exténués, tant physiquement que mentalement, et aucun d'entre eux ne paraissait prêter attention au tableau idyllique au travers duquel ils cheminaient.

En milieu de journée, alors que la forêt se déchirait devant eux pour laisser place à une large clairière, Feldrivan et le vieil Enutrof décrétèrent une halte, tacitement admise par l'ensemble du groupe. Tous s'affalèrent avec un soulagement non dissimulé dans cette oasis herbeuse et étanchèrent leur soif en vidant les gourdes de leur contenu. Il ne resta bientôt plus rien à boire pour le reste du voyage, mais personne ne semblait s'en soucier. Et si quelqu'un avait osé une remarque sur leur manque de discernement, il aurait sans nul doute été transpercé de regards fatigués, tendus et moroses.
Comme assommés par les nuages planant dans leurs esprits, les mercenaires ne reprirent pas leur cheminement. Personne ne s'en inquiéta. Et quand vint le crépuscule, automne éternel, alchimie suspendue de jour et de lune, ils étaient toujours étendus dans le matelas végétal de la clairière. Doucement, comme si elle craignait qu'on la surprenne en train d'arracher au soleil les dernières minutes de son règne, la nuit tomba sur Amakna et l'équipée s'ébroua.
Trop, certainement.
On monta en hâte le campement, on fit jaillir un feu de l'ombre et, dans l'empressement, une dispute éclata. De part et d'autre du brasier, deux mercenaires se haranguaient avec véhémence. Elembhor accourut rapidement mais ne fut pas plus rapide que le chuintement métallique qui s'éleva dans la sylve comme la première note d'un improbable requiem. Les conflits avaient ponctué leur voyage, mais jamais les armes n'avaient été tirées. Jusqu'à présent.
Un disciple de Iop brandissait avec rage le présent d'Elembhor. Ce dernier ne put retenir un hoquet de crainte et surprise mêlées lorsque feu et lune illuminèrent l'acier nu. Face au Iop, deux disciples d'Osamodas empoignaient fermement l'un une lourde masse, l'autre une lame effilée.
Certains, en guerriers attentifs face au danger imminent, avaient également tiré leurs armes du fourreau et dardaient des regards affûtés sur leurs voisins.
Feldrivan accourut rapidement, l'épée à la main. Son regard survola celui d'Elembhor, qui put y lire une incompréhension empreinte d'un profond affolement. Lorsqu'il parvint aux côtés du vieil Enutrof, la stupeur retint au fond de sa gorge les mots qu'il s'apprêtait à prononcer.
Le chef de la troupe ne parvenait pas à croire ce qu'il voyait sous le crépitement du feu de camp. Ne voulait pas y croire. La scène qui se déroulait sous ses yeux -soulignés par de profonds cratères- avait quelque chose d'irréel. Et un amer goût de déjà-vu.
Il fallait pourtant se rendre à l'évidence. Les regards que se jetaient les mercenaires, comme s'ils avaient voulu foudroyé leurs compagnons -non, leurs adversaires- , rappelaient étrangement ceux échangés lors de la dispute à laquelle Feldrivan avait assisté, à Astrub.
Rien n'avait donc changé ?
Il n'eut pas le temps de s'interroger plus longtemps. Contournant le feu de camp, les deux Osamodas s'étaient placés de part et d'autre du mercenaire à la lame brandie. Ils firent tournoyer leurs armes avec véhémence, et la tension monta d'un cran. D'autres sifflements métalliques s'élevèrent dans la clairière, pareils à une longue supplique ; et il ne resta bientôt plus un seul mercenaire qui n'empoignait pas avec anxiété la poignée patinée d'un sabre ou d'une épée. Des reflets argentés dansèrent sur les lames et la lune murmura sous les gardes. Des mouvements s'esquissèrent, des pieds tournèrent imperceptiblement.
Le coeur de Feldrivan battait à tout rompre. Lorsqu'il vit un des Osamodas se ramasser comme une bête prête à bondir, il eut la certitude que le sang coulerait et maculerait la clairière printanière de larmes vermeille. Dans l'instant. La main moite de Feldrivan étreignit avec force la poignée de son arme et ses phalanges prirent la teinte du disque opalescent qui dominait, impérieux et détaché, cette scène irréelle.
Il ne se passa rien.
Alors que le disciple d'Osamodas se préparait à jaillir de l'ombre dans un envol mortel, une voix, claire et moqueuse, s'était élevée :

- Ce sont donc là nos fameux mercenaires ?

Tous se figèrent un bref instant ; les lames restèrent maladroitement brandies dans le vide avant que leurs possesseurs leur fassent décrire de larges mouvements circulaires, cherchant l'origine de la voix. Feldrivan crut entendre un léger rire, mais peut-être n'était-ce que le murmure de la brise entre les branches... Les mercenaires scrutaient dans un total silence l'inextricable masse végétale qui les entourait. Chaque arbre, noyé dans l'ombre, se dressait comme un mur hermétique au regard acéré de la troupe. Etait-il possible que la forêt elle-même protège ce mystérieux intervenant ? Et tandis que le vent s'élevait dans la sylve, tous purent entendre cet éclat moqueur, presque jovial, se couler entre les branches, danser sur les feuilles puis planer dans la clairière en se jouant avec légèreté de la vigilance des mercenaires.

- Oh, ne vous interrompez pas pour moi, souffla la forêt... C'était là un spectacle fort divertissant !

- Viens donc, gueux ! Viens t'empaler sur ma lame, aboya un Iop aux traits déformés par l'agacement.

- Eh bien... Il me semblait pourtant que vous adressiez aux aventuriers un accueil chaleureux, pas des menaces de mort...

La voix, l'inconnu -le rêve peut-être ?- semblaient s'être rapprochés. Lorsque la lune frappa un visage fin, à demi caché par les feuillages, tous les mercenaires se retournèrent, tendus et toujours prêts à croiser le fer. Les manches amples d'une tunique de nacre flottèrent un instant dans la nuit tandis que l'apparition s'avançait dans la clairière. Lorsqu'il n'y eut plus entre elle et les mercenaires que les lames que ces derniers brandissaient, tous purent voir ce croissant de lune moqueur qui s'étirait sur les lèvres d'une face diaphane. Celle-ci fut rapidement masquée par la cascade argentée qui déversait ses flots éthérés tantôt en une rivière sinueuse jusque dans le creux d'omoplates saillants, tantôt en une vague, une mèche rebelle et puissante qui tombait sur un front immaculé. Le foulard, une étoffe d'ébène et de pourpre, qui devait nouer l'ensemble peinait à contenir cet océan opalin et semblait inutile, presque dérisoire sur la tête de l'inconnu.
Ce dernier fit à nouveau un pas en avant, et une vague parcourut la mer d'argent, révélant ainsi deux étoiles d'une pâleur infinie de part et d'autre d'un nez fin sur lequel dansaient quelques rayons de lune.
Sacrieur.
Le constat s'imposait aux mercenaires tandis que le vent reprenait sa mélopée entre les feuillages.
Sacrieur.
Une rafale balaya l'étoffe ornée de motifs alambiqués qui était accrochée à un ample pantalon de lin. Le souffle fit ployer certains mercenaires tandis que l'inconnu se jouait de la brise, ses cheveux le nimbant d'une lueur fraîche et éclatante.
Sacrieur.
Quand la bourrasque tomba, l'inconnu s'avança vers le Iop qui l'avait invectivé quelques secondes -ou bien quelques minutes, le temps semblait s'être suspendu- plus tôt. Son ton fut si incisif, si acéré qu'on eût pu croire qu'il avait empoigné la poignée patinée du sabre qui battait paresseusement sa hanche droite. Mais en guise de lame, il n'y eut que ces mots, froids, résolus, qui tranchaient avec leur apparente légèreté :

- Eh bien... Pareil accueil, ce n'est pas ce à quoi je m'attendais de la part d'aussi valeureux mercenaires. Peut-être... Peut-être m'a-t-on mal renseigné ?

Le Iop, devenu soudainement muet, ne put que serrer davantage la poignée de son épée, sans esquisser le moindre geste pour autant. La nuit était fraîche, mais une goutte de sueur perlait sur la tempe du guerrier.
Oubliant momentanément le conflit qui les séparait, un autre mercenaire – un disciple de Xélor à en juger par sa petite taille- vint soudain à la rescousse de son confrère :

- Vos sources sont exactes, messire. Nous sommes bel et bien mercenaires. Mais peut-être aurions-nous le privilège de savoir à qui nous nous adressons ?

Le croissant de lune étira à nouveau les lèvres du Sacrieur tandis que celui-ci reprenait la parole :

- Ceux qui me nomment connaissent la valeur d'un nom, les souvenirs et les tourments qu'il véhicule. Ceux qui me nomment comptent parmi les rares à connaître les tréfonds de mon âme et à partager les leurs avec moi. Pour les autres, je ne suis qu'un arpenteur de songes, une ombre sous le fil de la lune, une feuille dans la mélopée du vent. Je ne me contente pas de me réveiller après les rêves, je les vis. A leurs côtés, je vais tutoyer les étoiles, bavarder avec un vieux chêne et mépriser l'impossible. Voilà qui est ce « messire » , celui qui se présente à vous. Et je confirme tes paroles, Prisonnier de tes heures, vous êtes mercenaires. Vous n'êtes que mercenaires d'ailleurs. Une bande de chienchiens bataillant pour leurs précieux Kamas, sans autre but, ourdissant les pires complots et les plus basses attaques pour s'emparer du pécule de l'autre.

La léthargie qui s'était emparée de la troupe semblait soudain fondre à mesure que le Sacrieur déversait ses paroles. Les chuintements d'acier retentirent à nouveau dans la clairière et Feldrivan, qui observait la scène en retrait, se crut soudain lui-même face à ces mercenaires, des semaines plus tôt, à la taverne d'Astrub. Le Sacrieur souriait à la vue des armes tirées et poursuivait sa diatribe avec toujours plus d'entrain :

- Là, regardez-vous... Une vérité a-t-elle goût d'acier ? Il faut pourtant se rendre à l'évidence. Vous voyagez en groupe, mais qu'est-ce qui vous distingue de ces guerriers roublards, solitaires et avides que l'on croise à Astrub ? Vous pensez-vous réellement différents d'eux ? Les clients doivent être bien dupes pour y croire, et vous aussi. Il n'y a sous mes yeux qu'un amas hétéroclite, une masse désunie qui œuvre à sa propre décadence.

Un silence de plomb s'abattit sur la clairière tandis que le Sacrieur s'interrompait. Il balaya la troupe du regard et s'attarda sur Feldrivan qui, malgré son statut de meneur, ne souhaitait visiblement pas s'interposer. En confiance, et après avoir noté l'air gêné de certains mercenaires, l'inconnu poussa un soupir théâtral, comme s'il eût été véritablement accablé par la situation, puis reprit la parole :

- Et dire que... que vous pourriez être tellement plus...

Des sourcils se froncèrent sur la face des mercenaires. Feldrivan fixait toujours l'inconnu, un léger sourire planant sur les lèvres. Elembhor écoutait lui aussi, fasciné par ce Sacrieur qui semblait réussir en quelques phrases ce pour quoi il s'époumonait depuis plusieurs semaines.

- N'avez-vous jamais pensé faire autre chose, souffla le Sacrieur sur le ton de la confidence ? L'idée de tracer votre propre chemin ne vous séduit-elle pas ? Vous êtes là, en gentils Bouftous suivant l'exemple de ceux qui les ont précédés. Un troupeau courant après le moindre Kama. Vous vous croyez indépendants, fougueux ? Vous ne valez guère mieux que les assassins qui écument les ruelles de votre Cité. Vous cheminez sur cette route crasseuse... Mais elle pourrait être tracée selon des Valeurs aux échos de Liberté, la vraie, et d'Honneur. Vous pourriez bousculer les codes, faire resplendir le mercenariat ! Vous dicter une neutralité dans le service, un détachement qui vous permettrait de ne plus rester fixés à vos a priori désuets ! Ce discernement vous permettrait d'avancer. Enfin, ces Valeurs vous uniraient, vous ne seriez plus ces quelques misérables assassins partiaux, vous seriez des Mercenaires fédérés, cheminant sur une même voie. Vous seriez...

Son regard se perdit un instant dans les perles nacrées qui les surplombaient. Lorsque ses yeux trouvèrent la lune, il sourit et acheva son discours en un souffle à peine audible :

- ... Un Clan.

Le mot flotta quelques instants dans la nuit, et tous savourèrent ses notes prometteuses, charmeuses... Aucun des mercenaires ne pipa mot, personne ne songea à s'indigner des qualificatifs avec lesquels le Sacrieur les avait désignés.
Simplement parce qu'il avait raison.
Une minute, éternelle et fugace, s'écoula. Feldrivan s'avança alors vers le Sacrieur, Elembhor sur ses talons. Une fois campé devant l'inconnu, le disciple de Iop se fendit d'un sourire et s'inclina. Le geste, empreint d'un profond respect, fut sublimé par la totale compréhension lisible dans leurs regards lorsque ceux-ci se croisèrent. Elembhor se contenta d'hocher la tête, mais ses yeux délavés véhiculaient les mêmes émotions que son camarade iop.

- Je m'appelle Feldrivan, et après une telle tirade, peut-être auras-tu envie de te sustenter à nos côtés ?

Le Sacrieur baissa légèrement les yeux et sourit à son tour.

- Mon nom est Eldrigan, fit-il simplement.







__________________

- Eldrigan ?

- Oui ?

Le Sacrieur et Feldrivan contemplaient tous deux la voûte céleste, veillant sur leurs camarades endormis.

- Comment nous as-tu trouvés ?

- Eh bien, cela faisait plusieurs jours que j'étais à votre recherche. Il y a deux lunes, j'ai su que vous reveniez de Sufokia et j'ai fini par vous retrouver à l'approche de cette clairière. En vérité, c'est une amie, à Astrub, qui m'a parlé de vous.

- Une amie ?

- Oui, elle m'a dit qu'un disciple de Iop avait eu la folle idée de créer une troupe de mercenaires. Elle m'a également confié que le vieil Elembhor était de la partie, ce qui a suffi à m'intéresser.

Feldrivan fronça les sourcils.

- Dois-je en conclure que notre rencontre n'a rien d'une coïncidence ?

Malgré la pénombre, le disciple de Iop put aisément distinguer le sourire qui flottait sur les lèvres d'Eldrigan.

- Disons plutôt que le hasard fait bien les choses...
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MessageSujet: Re: Aux sources des Eldrigans.   Aux sources des Eldrigans. Icon_minitimeDim 19 Juin - 20:07

Je n'avais que rarement vu pareille scène.
A la réflexion, jamais je n'avais eu l'occasion d'assister à un tel événement. L'Histoire le relèguera probablement au rang d'anecdote, un petit soubresaut insignifiant dans la trame tissée sous l'oeil divin de Xélor... Mais je ne doute pas qu'il restera gravé dans nos coeurs et dans nos âmes, jusqu'à ce que les premiers s'essoufflent et que les secondes s'en retournent vers l'éther !
Je ne sais pas si d'autres yeux que les miens parcourront un jour ces lignes, mais si c'est le cas, je serais gré au lecteur de s'imaginer la scène, telle que nous l'avons vécue, cette nuit...

En l'espace de quelques minutes, le brasier qui séparait les mercenaires de notre troupe et les empêchait -temporairement- de s'entretuer est devenu le foyer de discussions fraternelles, conviviales et Ô combien constructives ! Les conflits furent consumés et, à la lueur des flammes, nous avons bâti de nouveaux projets. Enchanteurs, emplis d'espoir et de Valeurs. A l'image de celui qui, mieux que le feu de camp, a su nous éclairer.
Eldrigan. Je trace les quelques lettres qui composent ce mot comme on murmure les notes d'une mélopée nouvelle, insaisissable. Nous n'avons de lui que son nom, et j'ai pourtant l'impression que ce soir, il nous a tout offert.
Après avoir accepté l'invitation de Feldrivan à se restaurer à nos côtés, ce Sacrieur a engagé la discussion avec Elembhor. Ses demandes furent nettes, incisives : il était question du visage qu'adopterait « le Clan » , comme il le nomme. A mon grand étonnement, le vieux mercenaire possédait une idée très précise de la chose. Il nous avoua en avoir longuement parlé avec Feldrivan, quelques semaines plus tôt. Nos deux guides aspiraient également à une telle unité, mais force est de constater qu'ils n'avaient jamais eu l'occasion de mettre en place leurs projets.
Eldrigan leur a offert cette chance.

A la suite de Feldrivan, mes autres compagnons se sont joints à la conversation. Chacun a formulé le vœu que cessent les conflits et exprimé son désir d'aller de l'avant. Toute la nuit, nous avons donc travaillé à l'élaboration de règles, de fondements éthiques pour préserver notre nouvelle unité. Ce fut également l'occasion de s'interroger sur les Valeurs évoquées par Eldrigan.
Nous aboutîmes à une vision commune d'un « noble » mercenariat. Liberté, Honneur, Neutralité envers le client accompagneront nos lames.
Sérénité, Unité, Partage et Identité veilleront à ce que jamais notre flamme nouvelle ne s'éteigne.
Nous serons unis, nous deviendrons un Clan, sans jamais abandonner ce qui nous définit pour autant. Nous ne serons pas des soldats aveuglés par leur cause. Nous serons des Mercenaires libres.




Ce matin, nous avons repris notre route vers Astrub. Dans mon dos, mes frères d'armes, mes amis et collègues. Devant moi, trois guides. Notre troupe est devenue Clan.



Quinze Septange.

Je reprends la plume, coupable de n'y avoir pas songé plus tôt. Pour ma défense, il faut dire que nous avons vécu tant de choses depuis ce fameux soir ! Nous nous sommes établis à Astrub, notre Cité, celle que nous avons toujours connue. Ceux qui se gaussaient de nous en voyant partir notre troupe il y a de cela quelques mois furent bien étonnés quand le Clan franchit les portes de la ville !
Le jour même de notre arrivée, Elembhor est parvenu à nous dégoter un petit emplacement, près du Zaap. Nous avons pris le temps de souffler quelques heures, puis nous y avons installé un petit comptoir, quelques caisses pour s'asseoir, et de longues toiles que nous avons suspendues, en prévision de la pluie. Nous avons ensuite entrepris de ranger nos bagages, puis de mettre en place nos couchages, derrière des étoffes, à l'abri du regard des passants. On confia ensuite à deux d'entre nous la tâche de décorer quelques modestes panneaux de bois, trouvés sur l'étal d'un bûcheron. Disposés de part et d'autre du petit comptoir, ils annoncent notre besogne, interpellent les voyageurs de par leurs couleurs chatoyantes et sont vraiment du plus bel effet. Quelques tapis en lin complètent le tout, et évitent à nos bottes de charrier la poussière qui recouvre le sol de la Cité...
Je ne suis pas peu fière de notre ouvrage, on croirait voir là une auberge de fortune, pas l'office de mercenaires !
Pendant que nous nous attelions à l'aménagement de notre coin d'accueil, Eldrigan et Feldrivan déambulaient dans les ruelles de notre bourgade. Avant qu'ils ne partent, j'ai pu saisir quelques bribes de leur conversation. Ils étaient tous deux à la recherche de quelqu'un.
Une disciple d'Ecaflip, mais je ne me suis pas fait plus indiscrète... Il est toutefois étrange que nos deux guides, qui il y a quelques mois ne s'étaient encore jamais adressés la parole, aient des connaissances communes.
Enfin, Astrub est un lieu de rencontres, un fourmillement intense, une fièvre de relations ô combien contagieuse. Ici, les âmes se rencontrent, se mêlent, s'entrechoquent, se détruisent, se créent... C'est grâce à cette bourgade que mon chemin a croisé celui de mes compagnons. Que leur route s'est fondue avec la mienne. Grâce à elle si, aujourd'hui, nous cheminons ensemble.
A la réflexion, ce n'est peut-être pas si étonnant.
Astrub est la ville des possibles.


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MessageSujet: Re: Aux sources des Eldrigans.   Aux sources des Eldrigans. Icon_minitimeLun 27 Juin - 13:47


- Tu sais où la trouver ?

- Pour tout te dire, c'est plutôt elle qui vient me chercher, quand elle a des ennuis par exemple. Surtout quand elle a des ennuis, en fait.

Un léger grognement. Un bref soupir.

- Tu n'as pas un semblant d'idée ?

Un rire clair, porté par un sourire chaleureux, presque taquin.

- Elle a souvent des ennuis, sais-tu ? Forcément dus au hasard, tu t'en doutes. Elle le guette, le piste, ce hasard animal. Et si pour elle Astrub toute entière se révèle être un fabuleux terrain de chasse, il y a bien un endroit...

Feldrivan soutint le regard que lui adressait son ami. Il revint à la hauteur du Sacrieur et lui fit signe d'ouvrir la marche. Eldrigan se fendit à nouveau d'un sourire, et ses cheveux d'argent dansèrent lorsqu'il s'avança d'un pas tranquille.
Voir cheminer côte-à-côte le Iop et le disciple de Sacrieur s'apparentait à contempler un improbable tête-à-tête entre jour et nuit.
Le premier avançait d'un pas droit, son regard franc porté au loin. Alerte, à l'affût du moindre tressaillement dans l'air. Mais à Astrub, parler de « tressaillement dans l'air » était un doux euphémisme. La Cité bouillait d'une fièvre intense, et l'atmosphère elle-même semblait fondre sous cette activité grouillante. Entre les voyageurs pressés, les marchands affairés, les carrioles brinquebalantes et les soudards éméchés, il aurait fallu mille précautions et autant d'yeux pour comprendre, analyser et anticiper ce qui pouvait se tramer dans la bourgade.
Peut-être cela expliquait-il le front plissé de Feldrivan, son air fermé, et la concentration qu'il semblait porter à l'observation des rues d'Astrub...
Il s'avéra cependant que le Iop prenait des dispositions bien inutiles : à la vue de sa stature, de l'épée dont le fourreau était solidement harnaché dans son dos, et plus encore de son regard froid et distant, la majorité des passants ne se risquait pas à le bousculer.
Ce n'était pas le cas d'Eldrigan qui, aussi discret qu'une ombre et aussi insaisissable qu'un feu-follet, se coulait souplement entre les badauds. Ces derniers ne semblaient même pas remarquer sa présence : quand le Sacrieur désirait ne pas exister, il n'existait pas.
Sa démarche apparemment nonchalante, mais néanmoins agile et précise contrastait avec la marche solide de Feldrivan.
Une bourrasque, et Eldrigan semblait s'envoler. Une tempête n'aurait sans doute pas déraciné le disciple de Iop.
Le Sacrieur jetait de temps à autre un coup d'oeil à son compagnon, pour vérifier s'il suivait bien l'itinéraire imposé. C'était toujours le cas. Visiblement rendu guilleret par la marche assidue de Feldrivan, il pressa le pas.
Un éclat flamboyant dans le regard, Eldrigan se glissa dans la foule.
Et sur ses lèvres, toujours ce sourire.


_____________


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MessageSujet: Re: Aux sources des Eldrigans.   Aux sources des Eldrigans. Icon_minitimeMer 29 Juin - 21:59

C’était une bâtisse flambloyante, un enchevêtrement de briques qui dorait sous le soleil encore timide du matin. La pierre elle-même semblait fondre dans la lumière, et c’est avec des yeux éblouis par tant de clarté que l’on devinait, incrustées dans le roc, de petites fenêtres au cadre boisé.
Situé au Sud de la statue –récemment achevée- dédiée à Sram, et en contrebas de la charpente d’une petite église, l’édifice dégageait une chaleur bienveillante : ses tuiles aux reflets irisés (tantôt d’indigo, tantôt de cyan, on ne savait le dire avec certitude) donnaient toujours l’illusion d’un ciel clair et sans nuages.
Bien droite sur son ossature sylvestre, la demeure présentait une porte ouvragée mais néanmoins robuste, qui battait nonchalamment sur ses gonds, au gré d’une brise de Septange…
Entr’ouverte, comme une invitation.
C’est sur une poignée pleine de sobriété qu’Eldrigan posa la main, après qu’il eût gravi les quelques marches menant au battant. Son geste fut cependant stoppé par le ton grave de Feldrivan :

- Où sommes-nous ? Je ne m’attendais pas à la trouver dans pareil endroit.

- Patience, mon ami. Tu risques d’être surpris, rétorqua le Sacrieur, tout sourire. C’est parfois en poussant une simple porte que l’on découvre les horizons les plus merveilleux.

Intrigué par le ton énigmatique de son compagnon, le grand disciple de Iop lui emboîta le pas. Son bras robuste et puissant retint le battant qu’Eldrigan venait de lâcher. Un instant plus tard, il franchit le seuil et pénétra…
Dans un autre monde.
Envolée, la lumière du jour, la douceur de Septange. Dans le clair-obscur de la pièce, Feldrivan n’huma guère que les relents nauséeux d’une pipe d’Enutrof. La fumée qui s’en échappait voila tout de suite son regard et obscurcit ses sens, si bien qu’il aurait pu s’évanouir si le vacarme ambiant ne martelait pas déjà son crâne. Hébété par un tel changement, le Iop ne parut pas entendre les quelques Kamas qui roulèrent à ses pieds, ni l’As de trèfle les accompagnant. Pour cause, le bruit semblait être un habitué de la bâtisse ; et les conversations, loin de s’envoler, stagnaient dans l’air, lévitant au milieu des rires et de l’odeur de la bière.
Dans ce maelström sonore, Feldrivan parvint à peine à distinguer la voix d’Eldrigan parmi celles des occupants :

- Bienvenue à la Maison ! s’exclama son ami.

- La Maison ? s’enquit le Iop, dans un froncement de sourcils.

- Le nom n’est pas si inapproprié que cela. Quand on sait le temps que peuvent passer ces gens ici, on comprend qu’ils finissent par s’y sentir chez eux !

En prononçant ces mots, Eldrigan avait désigné du regard un vieil Osamodas qui s’était levé de sa chaise et s’était frayé un chemin à travers la salle remplie, pour aller saluer chaleureusement un compère. Les deux compagnons étaient alors partis chercher quelque rasade de bière, avant que Feldrivan ne les perde de vue.
Au milieu de tous ces éclats, il avait presque oublié le but de sa visite. Une tape sur l’épaule le ramena à la réalité :

- Suis-moi, lança Eldrigan, presque en criant.

Le Iop s’exécuta, bien qu’il perdît un instant son guide dans la fumée et les occupants. C’est à côté d’une trappe béante qu’il retrouva le Sacrieur. Ce dernier, dès qu’il eût confirmation que Feldrivan l’avait repéré, entama sa descente par une échelle de chêne branlante. Le disciple de Iop, une fois son ami en bas, posa à son tour le pied sur un barreau et pénétra dans la cave.
Il déboucha dans une pièce aux dimensions modestes –quoique son jugement fût obscurci par le panache s’élevant depuis les lèvres des fumeurs- et à l’ambiance étrangement plus feutrée qu’en haut. Bien sûr, on riait ici également. On se souriait. Mais avec davantage de politesse. Moins de franchise.
Assurément, il y avait, dans les tréfonds de la demeure, quelque chose que l’on dissimulait sous cette franche camaraderie. Feldrivan s’avança dans la lueur discrète d’un candélabre, le front plissé. Que faisait-on ici ?
La réponse ne vint que lorsqu’Eldrigan s’effaça devant lui, pour le laisser observer la source de la tension qui animait les occupants de la cave.
Au centre de chacune des tables de la pièce, trônait une montagne de Kamas.
Feldrivan n’eut pas le temps de se remettre de son étonnement : déjà une volée de cartes traversait la pièce, et le poing rageur d’un perdant frappait le bois. Une seconde plus tard, le grand Iop s’était campé de sorte à pouvoir dégainer la lourde épée accrochée dans son dos.
Eldrigan eut un sourire taquin et apaisa son compagnon d’un regard. La situation semblait monnaie courante, ici. Feldrivan se rasséréna. Ainsi donc, la cave de la bâtisse était le repaire des joueurs et parieurs… Avec les sommes étalées sur le tapis, il n’était pas si étonnant que l’air soit chargé d’une telle tension !

Eldrigan ne s’était pas trompé. Un tel endroit – le genre de lieux où l’on peut gagner gros et perdre encore davantage - ne pouvait qu’attirer la personne qu’ils étaient venus trouver. Son regard balaya les tables, plein d’espoir. Le coude d’Eldrigan mit fin à ses recherches.

- Elle est ici, déclara posément le Sacrieur. Inutile de la chercher davantage.

Du menton, il désignait à Feldrivan une somme de Kamas colossale. Amoncelée en une masse informe, prête à déferler sur la table à la moindre brise, elle demeurait néanmoins stable entre les mains de sa propriétaire.
Cette dernière, presque invisible derrière son butin doré, laissait entrevoir des yeux malicieux, et une expression goguenarde. Ils plongeaient dans le regard des autres joueurs avec un affront incisif, à la mesure des canines que laissait paraître un sourire enjôleur. Ses atours lancés sur ses adversaires comme autant d’armes meurtrières, la jeune Ecaflip était nonchalamment appuyée sur le dossier de sa chaise.
Et tout le monde l’attendait.
Elle avait conscience d’être la reine, celle qu’on craignait dans la partie. Et plus que le regard moqueur qu’elle dardait sur les trois cartes retournées au centre de la table, c’était la façon dont elle agitait les deux autres prisonnières de ses griffes –à la manière d’un éventail- qui trahissait sa tranquillité.
Lorsqu’enfin elle se décida à parler, ses mots se détachèrent avec volupté de ses lèvres, comme si le rire qu’on y devinait les aidait à prendre leur envol :

- Eh bien, mes amis… Allons-nous jouer gros ce soir, ou nous comporter en petits Chachas ?

Le sourire qui suivit s’accompagna d’un mouvement rapide, mais qu’on devinait minutieusement étudié. Le pactole amassé devant l’Ecaflip glissa tel un raz-de-marée vorace vers le centre de la table. Très lentement, les griffes qui empoignaient les Kamas jusqu’alors se retirèrent en laissant de longues marques dans le bois. Puis, comme si rien ne s’était passé, elle reprit confortablement sa place.

- Tapis, déclara-t-elle aussi simplement que si elle avait dit « Bonjour » .

De profonds soupirs retentirent autour de la table. Certains grognèrent, maudirent la belle Ecaflip à voix basse. Au final, un à un, ses adversaires jetèrent leurs cartes devant eux. C’est sous leur air dépité que la belle récupéra ses gains, et ceux amoncelés sur la table.

- On dirait bien que je ne pourrais pas porter tout cela seule, minauda-t-elle. Ca fait beaucoup de Kamas, après tout… Peut-être qu’un de ces beaux joueurs pourrait venir en aide à une jeune Ecaflip dans le besoin ?

- Arrête ton gringue, répondit un condisciple d’un ton acerbe. Montre-nous plutôt tes cartes et cesse de nous faire languir !

- Oh, mais j’aurais bien aimé mon beau, rétorqua-t-elle sans se départir de son sourire. Mais les jeux sont faits… Vous avez tous abandonné avant que je puisse révéler ma main. C’est le jeu mon pauvre Lucien ! Quelqu’un pour la belle ?

Le dénommé Lucien cracha à ses pieds, avant de se lever et de quitter la salle, l’air bougon. La jeune Ecaflip le suivit du regard, tout sourire, avant que ses yeux ne se posent sur…
Eldrigan. Et Feldrivan.
Bas les masques. La surprise, sincère, se peignit sur le beau visage de la joueuse. Elle reprit rapidement contenance, mais sans que son rougissement n’ait échappé aux deux compagnons.

- Là, elle nous a vus, dirait-on.

- Assurément, confirma Eldrigan. Et tu peux être sûr qu’elle va faire exprès de perdre maintenant.

L’incompréhension allait pousser Feldrivan à demander une explication, mais le Sacrieur poursuivit :

- Oui, tu ne la connais pas tant que ça apparemment ! Elle préférera dilapider tous ces gains plutôt que de les utiliser pour rembourser les Kamas qu’elle me doit !

Feldrivan tiqua. Oh non, ça ne l’étonnait pas plus que ça… Un léger sourire sur son visage d’ordinaire si fermé, il s’approcha de l’Ecaflip jusqu’à lui chuchoter à l’oreille :

- Bonjour Elidraé. Tu m’as manqué.
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